Texte posté par Florence Il y a tant de textes profonds dans le dernier opus du groupe (
June, Pink Water, Ceremonia, Gang Bang, Adora, Aujourd’hui je pleure, Crash me, …), comment expliquer mon désir d’analyser ce duo avec Didier Wampas ? Tout simplement parce que c’est un peu un morceau à part, tout comme
J’ai demandé à la lune dans
Paradize, par exemple. Les chansons d’
Alice et June sont pour la plupart liées au conte écrit par Lewis Carroll, alors quelle est la place de
Harry Poppers dans ce double album ? Pourquoi figure-t-il dans le CD
June ? Pourquoi l’avoir inséré dans l’histoire des deux fillettes à la dérive ? C’est ce que j’ai tenté de comprendre. J’espère que cette analyse sera également en mesure de répondre à vos propres interrogations.
Un homme est perdu dans ses pensées et tentent de comprendre comment il a pu être berné à ce point par la Femme Idéale rencontrée sur le net. Elle avait en effet tout pour inspirer confiance : un sourire éclatant, aussi parfait que celui d’une actrice, la photographie qu’elle lui avait offerte la dépeignait de façon floue : il ne voyait ainsi que ce qu’il avait envie de voir. Toutes des caractéristiques qui auraient pourtant dû lui mettre la puce à l’oreille : un visage flou, trois mariages…
Un contraste entre l’amour virtuel (
Combien de giga de sex as-tu sur le disque dur de ton mac) et entre les sentiments véritables (
Combien de giga d’amour as-tu qui traînent au fond de ton sac). Comment ne pas en effet faire confiance à cette personne si parfaite, rencontrée sur le net ? Dans une société capitaliste où le sexe et le pouvoir déterminent le monde, impossible de ne pas se laisser charmer par quelqu’un dont les défauts semblent inexistants, dont l’humour et la beauté concordent totalement avec notre Idéal. L’homme en question s’est ouvert à Elle (
Et moi j’étais presque nu), croyant avoir à faire avec sa prochaine, et sans doute ultime, compagne. Qui n’a jamais pensé connaître son fidèle correspondant msn aussi bien que son meilleur ami ? Nous avons l’impression de tout savoir de lui, que personne n’arrivera à sa hauteur, que tout ce qu’elle entreprend et exprime est parfait. Et pourtant, nous ne savons rien. Rien de primordial. Rien d’authentique. Tout cela reste virtuel. Cette chanson est la pure métaphore de l’irréel, de tout ce qui nous émerveille tellement que nous en oublions notre véritable existence. Avec le progrès, tout semble si facile, à portée de main. La toile nous permet l’impossible : le don d’ubiquité. Pouvoir être devant son écran et de l’autre côté de la planète en même temps (
Faire l’amour en Corée du Nord, jouer aux indiens sur la glace).
En y réfléchissant à deux fois, cette chanson n’est pas l’alien que l’on pourrait penser au premier abord. Oui, elle est différente. Oui, ses paroles paraissent n’avoir aucun sens. Oui, on dirait plus un délire qu’un texte anti-capitaliste. Et pourtant…
Alice et June sont deux jeunes filles à la porte de l’Adolescence. Elles se sentent rejetées par le monde, par la société. Deux marginales en proie à des problèmes existentiels et identitaires. Deux âmes perdues dans le cycle de la vie et dans l’horreur de l’avenir.
Ce morceau est le paroxysme de ce sentiment d’insécurité ambiante, justement. Il nous montre à quel point une certaine forme de l’être humain peut être perverse. Jusqu’à quel point nous pouvons pousser le vice. La capitalisme à l’état pur, la société de consommation : le pouvoir (se sentir puissant de parvenir à dialoguer avec quelqu’un du bout du monde, prendre plaisir à faire croire à quelqu’un que nous sommes parfaits et le voir boire nos paroles, le sexe vécu par procuration), la chair (le nombre de films douteux décorant le disque dur, le cybersexe. Vous remarquerez également que le mot « sexe » est écrit à l’anglaise dans les paroles ; peut-être une autre allusion au pouvoir des States sur le reste du monde), la vie rêvée qui remplace les rêves vécus, sans oublier le titre qui est lui-même un clin d’œil à une certaine forme de consommation. Je me souviens avoir lu dans une interview que Nicola Sirkis n’avait aucune envie de parcourir la saga de J.K. Rowling, sous-entendant qu’elle était devenue un pur produit du capitaliste moyen. Il est vrai que la poupée Harry Potter et les centaines d’autres dérivés n’ont plus rien du style fantastique adopté au départ. Une réelle hystérie et pottermania l’ont substitué.
Alors oui, ce duo a sa place dans le double album indochinois. Plus que l’on pourrait l’imaginer.
Je me suis ensuite demandée pourquoi
Harry Poppers faisait partie du second CD. Je crois simplement que ce dernier décrit le chemin des deux filles, depuis leur descente aux enfers jusqu’à leur renaissance… ensemble. Dans l’Autre Monde. Peut-être que la société de consommation a tué une certaine forme d’humanité, d’altruisme et de recul critique. La vraie société est morte, elle aussi…
Unita.