Un dialogue avec la mort? De quoi faire froid dans le dos. C’est la thématique qu’aborde quand même Indochine avec Les Aubes Sont Mortes, 14ème piste du dernier album. Et quand on demande à Nicola quelle chanson d’Indo il aime le moins il répond que c’est celle-ci ! Contrairement, notamment, à Marc, qui lui dit que c’est sa préférée ! On l’a compris elle ne fait pas l’unanimité, mais que cela ne nous gâche pas le plaisir de l’analyser, alors c’est parti!!
Je pense que tout le monde sera d’accord pour dire que Les Aubes Sont Mortes parle de la guerre. Et si vous en n’êtes pas encore convaincu, écoutez plutôt l’explication d’indolove « « Les aubes sont mortes hier matin ». Je vois cela comme le début de la guerre et ce "tu t'en souviens" serait là comme pour se le persuader. Les personnes vivant la guerre ne verront plus l'aube, où du moins, plus jamais du même œil». Il y a aussi le couplet suivant qui montre les conditions horrible de la guerre : « Au côté droit deux trous toujours. Le sang ruisselle dans ma voix. Dans la boue au creux de mes doigts ».
Et comme la guerre ne va pas sans la mort… « Je vois la mort avec cette phrase "Le sang a la couleur du sommeil" : le sommeil éternel ». Il n’y a pas qu’Indolove de cette avis, je laisse la parole à Miss Marco : « "Dis-moi" me fait penser à une sorte de dialogue entre un soldat et la mort, il se renseigne sur ce qui l'attend (…) « Les aubes sont mortes sans lendemain»: on ne voit pas d'issue possible, le lendemain ne peut exister. La seule "issue" possible est la mort. C’est pas vraiment une perspective d'avenir ».
Et l’amour dans tout ça? Une idée Indolove ? « Le refrain montre qu'il n'y a pas de place pour l'amour, que les lendemains ne seront surement pas joyeux, cela à cause de la guerre (…) J’imagine une femme pensant à son mari partit au combat "dis moi combien tomberont demain" j'imagine même énormément d'inquiétude en se disant cela, la peur d'apprendre la mort de son mari. « Dis-moi comment elles prennent en main». Là j'imagine l'homme devenu soldat se demandant comment les femmes font sans les hommes dans les villages et villes». Pour Miss Marco, il s’agirait plutôt de camaraderie « "Qu’ils comptent avec toi" et "qu'ils pleurent avec toi" pour moi le « ils» évoqueraient les soldats, comme si malgré la mort, le soldat peut toujours compter sur ses camarades, une camaraderie qui va au delà de la mort ».
Pour Miss Marco, il est aussi question de l’arrière « "Ils sont sourds et muets parfois": « il», cela pourrait être une allusion aux gueules cassées, nom donné aux soldats défigurés ou comme l'armée est surnommée la grande muette, une allusion aux gradés qui, loin du front, ne se préoccupaient pas des simples soldats et restaient sourds à la réalité du terrain; tout en veillant à ce que les horreurs du front ne soient pas évoquées à l'arrière». Excellente analyse!
Certains ont noté des références. C’est le cas pour Indolove et Miss Marco qui ont bien souligné un clin d’œil au grand poète Rimbaud et son poème le Dormeur du Val avec les paroles « au côté droit deux trous toujours ». Pour Miss Marco, il y a aussi une autre référence : « « Comment elles prennent en mains » (…) je pense à la fée Morgane qui venait chercher les morts ». Autre référence que l’on peut noter « peau de chagrin », ouvrage de Balzac!
Et comme pour chaque musique, des images nous viennent. Pour Indolove c’est un champ de bataille : « Avec les paroles j'arrive aussi à me visualiser une scène dans un champ de bataille, il pleut, il y a de la boue "le sang ruisselle dans ma voix" allez savoir pourquoi mais ça me fait voir un champ de bataille». Miss Marco aussi visualise un champ de bataille, mais pour d’autres paroles : « Le titre me fait penser aux champs de bataille où le soleil semblait ne plus se lever à cause de la poussière faite par les impacts des obus. C'est aussi évoqué par les paroles "un ciel malade" et "ça brûle la cendre aux étoiles"».
Alors finalement vous, vous l’aimez cette chanson ? En tout cas elle ne laisse pas indifférente Indolove et Miss Marco qui disent « avec cette chanson je vois donc comme une histoire. Le début de la guerre et la fin de la vie de personne étant envoyé aux combats. Tout cela mélangé avec beaucoup de sentiments. Et cela me procure pas mal d'émotions à l'écoute de cette chanson » et « voilà comment je ressens cette chanson, elle est très triste. J'ai l'impression bizarre d'être près d'un soldat qui meurt». En ce qui me concerne, c’est peut-être bien m’a préféré d’Indochine ! Mon passage fétiche : « le sang ruisselle dans ma voix ». Cette grandeur, cette voix,… quand je l’entends je ne peux que danser, elle m’envoute totalement, je ne peux rien faire d’autre qu’être prise dans ce tourbillon de guitares, un face à face avec la mort. Ce « tu » qui peux s’adresser à n’importe qui, rappelant que tout le monde peut mourir à n’importe quel moment, sans rien laisser derrière nous, notre passage balayé en une fraction de seconde et plus personne ne se souviens de ce que vous êtes. « Que l'amour c'est un peu comme toi. Elle me disait viens et tu sauras que ça n'existe pas », comment ne pas avoir un pincement de cœur ? On n’existe que pour nous. Notre famille, nos amis ? Il n’en restera rien dans quelques années. Ce n’est pas le réalisme que j’aime dans cette chanson, ni même la tristesse que cela peut procurer, mais la musique et le timbre de voix que Nicola a sur cette chanson. Je ne peux pas vous l’expliquer, enfoncez juste vos écouteurs, n’hésitez pas à mettre du volume et écoutez, juste écoutez…
cerisette